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jeudi 14 août 2014

Les plans de guerre mondiale de Washington ou la réalité de la guerre mondiale

Un document tout à fait remarquable, publié ce 31 juillet 2014, sur la planification militaire des États-Unis recommande au Pentagone de se préparer à mener une demi-douzaine de guerres simultanément, y compris des guerres dans lesquels l’antagoniste serait équipé d’armes nucléaires. Le document, intitulé « Assurer une défense solide des USA pour l’avenir » [1], a été rédigé par le Comité de la défense nationale, un groupe d’anciens fonctionnaires civils et militaires de haut rang, mandaté par le Congrès pour fournir une analyse critique du document officiel de planification du Pentagone publié au début de cette année, la Revue quadriennale de défense 2014. Le Comité de la défense nationale est coprésidé par William Perry, qui était secrétaire à la Défense dans l’administration Clinton, et le général John Abizaid, ancien chef du Commandement central américain. Ses membres comprennent quatre autres généraux à la retraite, ainsi que Michele Flournoy, ancienne députée et secrétaire adjoint à la Défense sous Obama, et Eric Edelman, l’un des principaux sous-secrétaires néoconservateurs à la défense sous l’administration de George W. Bush. Le groupe est donc bipartite, représentant l’ensemble du spectre de la sécurité du tout Washington officiel. Son rapport a été publié sous les auspices d’un organisme financé par le gouvernement fédéral et consacré à l’étude de la guerre, dont le nom, dans une logique orwellienne impeccable, est l’Institut de la Paix étatsunien. Le document met en garde contre les dangers auxquels sont confrontés les États-Unis, au premier rang desquels il place la puissance grandissante de la Chine et de la Russie, suivies de la Corée du Nord, de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie, du Moyen-Orient en général, puis de l’Afrique. La Chine et la Russie sont ainsi placées en haut de la liste des cibles potentielles pour une action militaire des États-Unis, devant les trois pays identifiés par George W. Bush dans son fameux discours sur «l’axe du mal» de 2002. Le document note que, pour les deux dernières décennies, depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, la doctrine de la défense des États-Unis s’est proposé d’être en mesure de mener deux grands conflits simultanés. L’analyse observe maintenant le besoin d’un changement radical de cette doctrine: « Compte tenu de l’aggravation du contexte actuel des menaces, nous croyons opportun de définir un concept de dimensionnement de nos forces plus vigoureux, une concept différent du concept de deux guerre à la fois, mais non moins puissant. » Plus loin, le document précise avec davantage de détails : « Nous croyons… qu’une capacité de combat à l’échelle globale est la condition sine qua non d’une superpuissance et donc essentielle à la crédibilité de la stratégie de sécurité nationale d’ensemble des États-Unis. Dans le contexte actuel de menaces, il est plausible que les États-Unis soient appelés à user de la dissuasion ou à combattre dans plusieurs régions sur des périodes concomitantes : dans la péninsule coréenne, dans la mer de Chine orientale ou méridionale, au Moyen-Orient, Asie du Sud, et très probablement en Europe. Les États-Unis sont également confrontés à la perspective d’avoir à affronter des adversaires dotés d’armes nucléaires. En outre, la diffusion d’Al-Qaïda et ses retombées dans de nouvelles zones en Afrique et au Moyen-Orient signifie que l’armée américaine doit être en mesure de soutenir des opérations globales de lutte contre le terrorisme et de défense de la patrie américaine, même alors qu’elle se trouve engagée dans des conflits régionaux à l’étranger. » [souligné par l’auteur]. Cette liste suggère que les États-Unis doivent se préparer à combattre cinq ou six guerres majeures simultanément. Ce qui revient ni plus ni moins à demander à l’impérialisme américain de se préparer à mener une guerre mondiale, ce qui pourrait bien menacer d’extinction l’humanité. La mise en avant de la Chine et de la Russie en tant que cibles probables de l’action militaire américaine ouvre une perspective des plus inquiétantes, puisque ces deux pays disposent des deuxième et troisième plus grand arsenaux nucléaires de la planète, après celui des États-Unis eux-mêmes. Le rapport vient ainsi soutenir la position de l’administration Obama d’un «rééquilibrage» des forces militaires des États-Unis pour faire face à la Chine, en décrivant cette initiative stratégique comme un effort pour réaffirmer « la primauté de la région Asie-Pacifique parmi les intérêts de sécurité des États-Unis. » En ce qui concerne la probabilité qu’une telle guerre éclate, il convient de souligner que le Comité spécial de la défense nationale examine les possibles déclencheurs d’une une conflagration majeure, en particulier en Extrême-Orient. Le texte est truffé de jargon, mais la perspective n’en fait pas moins froid dans le dos : « La prolifération de systèmes sans pilote et de plus en plus autonomes dans la région Asie-Pacifique, ainsi qu’au Moyen-Orient, par exemple, aura un impact négatif sur la capacité de maintenir la stabilité au cours d’une crise, ou de gérer l’escalade si le conflit éclate. Ces systèmes, combinés avec la prolifération de capacités tant offensives que défensives dans le cyberespace et dans le contre-espace, affecteront grandement la relation entre capacités militaires offensive et défensive dans certaines régions clés, augmentant ainsi le risque qu’une crise se change rapidement en conflit avant que les décideurs et le commandement militaire aient disposé d’un temps suffisant pour réagir. » En clair, un conflit majeur peut éclater à travers l’interaction de drones armés et de systèmes de réponse automatisés des deux côtés, sans même aucune intervention humaine. Le rapport ne remet pas en cause ouvertement la force militaire composée uniquement de volontaires, mais il se concentre sur son coût croissant, et appelle à « une réforme des rémunérations et avantages sociaux à la fois raisonnable et rentable », de manière à rendre une telle force militaire plus abordable. La logique des pressions combinées de la hausse des coûts et des déploiements militaires élargis est inexorable, cependant : cela signifie, plus tôt que tard, que la classe dirigeante américaine devra se tourner vers une certaine forme de conscription, au-delà même du projet économique actuel dans lequel ce sont, de manière disproportionnée, les couches les plus pauvres de la classe ouvrière qui s’engagent comme soldats volontaires. Le rapport de la défense s’inquiète de ce que les contraintes financières qui pèsent sur l’impérialisme américain restreignent les préparatifs de guerre du Pentagone, et en particulier des limites auto-imposées telles que la mise sous séquestre des dépenses militaires dictée par la Loi sur le contrôle du budget de 2011. Les auteurs se plaignent à plusieurs reprises de la limitation des dépenses militaires US en raison de la charge des programmes sociaux nationaux, soulignant « l’écart important et croissant entre les recettes collectées pour soutenir ces programmes de prestations, principalement les grands programmes de santé et de sécurité sociale, et les montants effectivement consacrés à ces programmes. » Ils déclarent: « L’Amérique doit mettre de l’ordre dans sa politique fiscale tout en finançant des dépenses militaires robuste. Une maîtrise agressive des dépenses de santé doit sans aucun doute être poursuivie au sein du Ministère [c'est à dire pour les soldats et leurs familles] comme, plus largement, dans tous les programmes du gouvernement. » Il faut le redire : il s’agit là d’un rapport bipartite. Démocrates comme républicains, libéraux comme conservateurs, ont approuvé cette demande de réduction des programmes sociaux dont dépendent les travailleurs afin d’assurer que des milliers de milliards soient rendus disponibles pour le gouffre insatiable de la machine de guerre américaine. Le caractère bipartite de ce document témoigne de l’unité de toutes les composantes de la classe dirigeante américaine sur l’utilisation d’une violence sans précédent, afin de préserver sa richesse et sa domination sur des zones entières de la planète. Il confirme que la lutte contre la guerre impérialiste ne peut être menée qu’en libérant la classe ouvrière du système politique qui existe aux États-Unis, et par la construction d’un mouvement politique de masse indépendant, fondé sur un programme socialiste et internationaliste révolutionnaire. Patrick Martin Traduit par Lionel pour vineyardsaker.fr

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