Les curieux articles de certains médias chinois du web
évoquant hypothétiquement le déploiement de l'arme nucléaire à Cuba a suscité
une vive réaction sur plusieurs forums taïwanais et
américains.
Évidemment, l'éventualité que la Chine se décide à commettre
un tel acte semble si irréaliste, compte tenu des particularités de la politique
étrangère chinoise actuelle, qu'il paraît même étrange d'en parler. Cependant, à
terme, la situation pourrait changer, pense Vassili Kachine, expert du Centre
d'analyse stratégique et technologique.
Une nouvelle crise des missiles
de Cuba est possible dans 10-15 ans, quand le climat politique changera et que
les différends entre la Chine et les USA seront si profonds que leur dissuasion
nucléaire réciproque sera le thème central de la politique mondiale, comme
c'était le cas pendant la Guerre froide.
A présent, la Chine est une
économie croissante qui connaît une expansion commerciale et économique active.
En Amérique latine, il existe aujourd'hui des gouvernements qui bâtissent des
relations avec la Chine et la Russie et s'opposent à la pression des USA. Ces
derniers parlent constamment d'un déploiement d'armes et de troupes
supplémentaires dans les pays d'Asie orientale autour de la Chine.
Les
spécialistes américains écrivent des articles sur la possibilité d'utiliser ces
forces pour mettre en place un blocus maritime destructeur de la Chine. Dans
d'autres publications, on étudie les options consistant à déployer sur les îles
de la "première chaîne" l'armée de terre américaine, ainsi que des missiles
sol-air et sol-sol.
Et qu'arriverait-il si la Chine décidait de réagir
symétriquement? Cela n'a aucun sens aujourd'hui. L'arsenal nucléaire chinois est
trop réduit et compte environ 250 ogives déployées. En temps de paix, la Chine
cherche à conserver le peu d'armement nucléaire dont elle dispose dans des
souterrains protégés au fin fond de son territoire – cela offre une certaine
chance de survivre à la première frappe.
Mais à terme, le nombre d'ogives
chinoises déployées augmentera. Comme en témoignent l'apparition en Chine des
premiers missiles intercontinentaux avec des ogives séparables, l'entrée en
service de nouveaux sous-marins nucléaires et le développement continu de
nouveaux types de missiles balistiques.
Ainsi, la création de bases
chinoises sous le nez des USA pourrait avoir un sens. Parce que contrairement
aux USA, la Chine dispose d'une puissante production de missiles à moyenne
portée de deux familles (DF-21 et DF-26) de plus de 1700 et à partir de 3000 km.
De plus, la Chine fabrique des missiles DF-16 d'une portée minimale de 1000 km
et des missiles de croisière terrestres.
La Chine n'a aucun engagement en
termes de limitation de production et de déploiement de tels systèmes
d'armement. Cette production a été mise au point et fonctionne de manière
pérenne. Si, à l'appel de certains politiciens américains, les USA quittaient le
Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire avec la Russie et
commençaient à élaborer les mêmes missiles, leur conception et les essais
prendraient des années, et même après cela, ils seraient bien plus chers que
leurs analogues chinois.
Est-ce que les USA peuvent réagir dans le futur
à de tels actes de la même manière que pendant la crise des missiles de Cuba de
1962? Avant tout, il faut se souvenir de toutes les circonstances de la crise
des missiles de Cuba: en réalité, c'était tout sauf une victoire stratégique des
USA (même si on pouvait le considérer comme un succès personnel du président
Kennedy dans le renforcement de son image).
La situation stratégique de
l'URSS et du camp communiste après la crise des missiles de Cuba, malgré les
mythes répandus, était meilleure qu'au début de l'opération soviétique Anadyr de
déploiement de missiles à Cuba. Dans le cadre d'une transaction secrète conclue
pour régler la crise, en échange du retrait des missiles soviétiques de Cuba,
les USA ont retiré plus de 100 missiles Jupiter de Turquie et
d'Italie.
Des missiles qui représentaient une véritable menace pour
Moscou. En outre, même après la crise des missiles de Cuba, une brigade de
l'armée de terre soviétique est restée sur l'île. La question d'une éventuelle
invasion américaine sur Cuba n'a plus jamais été évoquée. De cette manière,
Moscou s'est retiré de Cuba en échange de concessions des USA, et mêmes certains
militaires américains, notamment le général Curtis Le May, voyaient cela comme
une "défaite". Pourrait-on vivre une histoire similaire, dans le futur cette
fois, entre les USA et la Chine? Dans certaines circonstances, c'est tout à fait
possible.
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