Des déclarations menaçantes au cours des dernières 48 heures par les principaux commandants militaires américains soulignent à quel point le monde est au bord d’une guerre dévastatrice sur la péninsule coréenne qui, pour la première fois depuis 1945, pourrait impliquer l’utilisation d’armes nucléaires.
Le prétexte de la propagande pour la guerre est l’affirmation de l’impérialisme américain et de ses alliés selon laquelle le régime nord-coréen isolé serait sur le point de développer un missile balistique intercontinental (ICBM) à tête nucléaire capable de détruire les grandes villes du continent américain.
Le général Mark Milley, le chef d’état-major de l’armée, a déclaré hier à une conférence au National Press Club à Washington : « La guerre dans la péninsule coréenne serait terrible, mais une arme nucléaire qui exploserait à Los Angeles serait terrible. »
En faisant référence aux préparatifs d’une attaque préventive des États-Unis, Milley a déclaré que « le temps est compté » pour une « solution non militaire » aux exigences des États-Unis que la Corée du Nord mette fin à ses programmes d’armes nucléaires et de missiles. Le gouvernement Trump, a-t-il déclaré, est « arrivé à un tournant où [le] choix devrait être tranché d’une manière ou d’une autre ».
Le général s’est réjouit du fait que les États-Unis « détruiraient complètement l’armée nord-coréenne ». Il y aurait « un coût élevé en termes de vie humaine, en termes d’infrastructure ».
Les déclarations de Milley suivent celles faites le week-end dernier par le général Joseph Dunford, président des chefs de l’état-major de l’armée. Il a déclaré à un forum de sécurité qu’une guerre avec la Corée du Nord n’était « pas inimaginable ». En essayant d’imaginer les conséquences, il a déclaré qu’une guerre entraînerait « une perte de vie contraire à celle que nous avons vécue dans notre vie ». Dunford a insisté sur le fait que les « négociations » auraient lieu seulement pour « quelques mois encore ».
Ignoré par les médias de l’establishment, qui ont rapporté en toute hâte de telles affirmations, il y a pourtant la question évidente de savoir pourquoi la Corée du Nord – un état économiquement arriéré avec un produit intérieur brut de seulement 25 milliards de dollars – risquerait d’être anéantie dans une guerre par la plus grande puissance militaire de la planète.
Le régime nord-coréen à Pyongyang dirigé par Kim Jong-un est sans aucun doute une dictature brutale et réactionnaire, mais il n’est pas irrationnel. Ses hauts responsables ont déclaré à maintes reprises que leur refus de mettre fin aux programmes d’armement est une réponse à ce qui est arrivé en Irak et en Libye après que les gouvernements de ces pays se sont soumis aux diktats américains.
L’Irak a été envahi en 2003 et ses principaux dirigeants, et des centaines de milliers de citoyens ont été massacrés. La Libye a été plongée dans une guerre civile instiguée par l’impérialisme en 2011, qui a servi à justifier un bombardement massif dirigé par les États-Unis qui a tué des milliers de civils. Son chef, Muammar Kadhafi, a été assassiné par une bande de lyncheurs islamistes.
Le peuple coréen connaît très bien le carnage que l’impérialisme américain peut et va infliger dans la poursuite de ses objectifs géostratégiques. Le jour où Milley a fait ses déclarations, le 27 juillet, était le 64ᵉ anniversaire de la fin de la guerre de Corée (1950-1953). L’estimation la plus prudente est que trois millions de personnes y furent tuées ou blessées, dont deux millions dans ce qui est maintenant la Corée du Nord.
Le bombardement aérien américain du Nord fut meurtrier. L’armée de l’Air des États-Unis a noté dans une évaluation : « Dix-huit des vingt-deux grandes villes de Corée du Nord avaient été au moins à moitié effacées ». Le général américain Curtis LeMay rappela plus tard : « Nous avons incinéré à peu près toutes les villes de Corée du Nord et de Corée du Sud. Nous avons éliminé plus d’un million de Coréens civils et en avons chassé plusieurs millions de plus de leurs foyers. » À la fin du conflit, les pilotes auraient largué leurs bombes en mer, car il ne leur restait plus de bâtiments à raser.
L’impérialisme américain n’a jamais accepté le résultat de la guerre de Corée, qui a laissé la Corée du Nord intacte comme tampon entre les forces militaires américaines en Corée du Sud et la Chine et la Russie qui bordent la péninsule. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, qui était le principal partenaire économique de la Corée du Nord, les gouvernements américains successifs ont poursuivi la politique à peine dissimulée de changement de régime à Pyongyang. L’objectif est d’intégrer le Nord dans la Corée du Sud et de modifier fondamentalement l’équilibre stratégique des forces en Asie du Nord-Est.
La rhétorique et les menaces de guerre contre le programme nucléaire de Corée du Nord se déroulent dans le contexte d’antagonismes croissants entre les États-Unis et la Chine. La Chine est considérée à Washington comme un rival inacceptable de la domination américaine en raison de son ascension au rang de deuxième économie mondiale et de son influence stratégique croissante. La plus grande peur dans les milieux dominants américains est que la logique de l’intégration économique mondiale aboutisse à un partenariat géopolitique qui se consoliderait à travers la vaste masse continentale eurasienne, impliquant le bloc européen dominé par l’Allemagne, la Russie et la Chine, et finalement attirant le Japon et d’autres alliés clés des américains en Asie.
La stratégie impérialiste des États-Unis, dans toutes les parties du monde, est motivée par la volonté de perturber ce processus et de l’empêcher de devenir une réalité. La menace de guerre avec la Corée du Nord est une perturbation d’une ampleur immense. La Chine et la Russie ont rejeté les tentatives menées par les États-Unis de soumettre la Corée du Nord à l’isolement économique complet et se sont opposés à toute action militaire sur la péninsule. Il y a des informations indiquant des déploiements militaires majeurs chinois sur sa frontière coréenne. Des rencontres entre des avions chinois ou russes avec des aéronefs américains ou japonais se produisent quotidiennement. Les alliés des Américains en Europe et en Asie, même s’ils cherchent des relations commerciales plus étroites avec la Chine, sont soumis à des pressions pour s’aligner sur Washington.
La situation est rendue encore plus volatile et dangereuse par la nature assiégée de la présidence de Trump. Le gouvernement s’engouffre dans les combats internes et la tourmente ayant trait aux enquêtes en cours selon les affirmations des agences de renseignement que Trump a remporté l’élection grâce à « l’ingérence » russe. Il n’est pas à exclure que le gouvernement Trump réagisse à sa propre crise en tentant de détourner les tensions vers l’extérieur en lançant une guerre majeure.
L’armée américaine pense que cela est tout à fait possible. D’où ce qui est présenté comme sa réaction à un tweet de Trump hier matin, qui se lisait comme suit : « Après avoir consulté mes généraux et les experts militaires, soyez informé que le gouvernement des États-Unis n’acceptera ni ne permettra ».
Pendant neuf minutes, avant que Trump n’ait envoyé la deuxième partie du message déclarant l’interdiction du service militaire aux personnes transgenres, le Pentagone aurait cru que le président allait annoncer le début des hostilités via Twitter. Si cela est vrai, il n’est pas difficile d’imaginer les appels téléphoniques passés aux commandants militaires américains en Corée du Sud, au Japon et dans le monde entier. On peut supposer que les armées nord-coréennes, chinoises et russes étaient également sur la corde raide.
Depuis presque une décennie, l’armée américaine a activement planifié et préparé une guerre avec la Chine, qui pourrait être déclenchée par une attaque contre la Corée du Nord et une escalade rapide. Interrogé hier en Australie pour savoir s’il lancerait des armes nucléaires contre la Chine si Trump l’ordonnait, l’amiral Scott Swift, le commandant de la septième flotte des États-Unis, a répondu franchement : « La réponse serait oui. »
James Cogan
Article paru en anglais, WSWS, le 28 juillet 2017
Aucun commentaire:
Publier un commentaire