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jeudi 6 octobre 2016

Les fusées de la Corée du Nord de plus en plus performantes


La Corée du Nord planche sur une nouvelle génération de fusées à plusieurs étages destinées à un usage aussi bien civil que militaire, qui lui permettront de se transformer en puissance de "première ligue". Ces revendications sont loin d'être infondées.

Comment atteindre les USA ? Pyongyang considère les États-Unis comme la principale menace à sa sécurité. Aujourd'hui, seulement deux pays disposent d'une force de dissuasion garantie contre les USA: la Russie et la Chine, grâce à leurs missiles intercontinentaux capables d'atteindre le territoire américain. Même l'arsenal réduit de missiles intercontinentaux de la Chine a considérablement accru le statut militaro-technique de ce pays. Pyongyang a attentivement étudié ce sujet.


Et si, après Hiroshima et Nagasaki, les USA avaient encore utilisé l’arme nucléaire? Le pouvoir nord-coréen a également pris note de la vaine expérience des précédents accords de réconciliation avec les USA — ouvertement bafoués peu de temps après — et du fait que ses infractions s'accompagnaient de nouvelles exigences de concessions unilatérales de la part de la Corée du Nord. Quelle doit être la portée d'un missile pour permettre à la Corée du Nord d'attaquer le territoire américain ? Les grandes villes sont les points sensibles de tous les pays. Dans la plupart des scénarios, même le risque d'une faible explosion nucléaire dans une ville américaine n'est pas acceptable. Pour tous les pays, les pertes acceptables dans une " petite guerre victorieuse " excluent un nouvel Hiroshima. 

La cible continentale américaine la plus proche pour la Corée du Nord est Anchorage, à 5 400 km de la position de lancement la plus proche. On compte 8 400 km jusqu'à San Francisco, 9 900 km jusqu'à Chicago, 10 400 km jusqu'à New York et près de 7 000 km jusqu'à Honolulu, capitale de l'État insulaire d'Hawaï. Pour faire effet, le missile doit être capable de transporter à cette portée une charge utile appropriée: non seulement l'ogive mais également les équipements d'assistance tels que la protection thermique pour franchir les couches épaisses de l'atmosphère. En dépit des thèses pathétiques de la propagande nord-coréenne ( les légendes sur la capacité de Pyongyang d'attaquer l'agresseur partout sur la planète ont commencé dès les années 1 990 ) aussi bien qu'américaine ( selon laquelle la Corée du Nord serait sur le point de créer un missile intercontinental, légende datant également de la fin des années 1 990 ), on ne constatait aucune solution technique à part entière jusqu'en 2012. 

Des fusées spatiales à plusieurs étages étaient lancées depuis les deux cosmodromes nationaux mais l'incapacité de ces missiles de transporter un chargement de 700-800 kg jusqu'en Californie ou d'une tonne jusqu'en Alaska ne faisaient pas d'eux des missiles intercontinentaux opérationnels. Les engins en question sont plus imposants et doivent être entretenus avant leur lancement dans des infrastructures ouvertes encore plus conséquentes. Ils nécessitent préalablement un assemblage, un transport, un ravitaillement et d'autres activités de préparation qui prennent généralement plusieurs jours.

Pyongyang annonce la fin de la mise au point de ses armes nucléaires Nous avons déjà parlé du missile Paektusan-1 mais les lanceurs Unha-3, qui peuvent théoriquement atteindre les USA, sont plus grands et plus lourds. Ils nécessitent des dispositifs de lancement encore plus grands et l'infrastructure appropriée. La préparation du lancement sera donc forcément aperçue et empêchée par une frappe préventive même en cas d'attaque en temps de paix et de l'état de préparation nul des Américains. Sans parler des conditions, moins confortables, d'une crise militaire. L'usage des technologies des fusées SCUD ( moteurs, combustible, matériaux de construction ) pour fabriquer des missiles à plusieurs étages permet de créer un lanceur encombrant, peu puissant, mais tout de même opérationnel. Les dimensions et le temps de préparation ne sont pas critiques en l'occurrence. 

Des technologies identiques à celles utilisées sur les missiles soviétiques R-27 permettraient en principe à la Corée du Nord de créer un missile intercontinental à part entière. Les premiers signes de cette activité sont apparus le 15 avril 2 012. Hwasong-13 La principale révélation du défilé militaire organisé à l'occasion du 100e anniversaire de Kim Il-sung fut l'apparition de six véhicules lourds sur roues transportant des missiles à plusieurs étages. La surprise ne concernait pas seulement les missiles ( probablement des maquettes à échelle réelle ), mais également la base sur roues. Il s'agit du modèle WS-52100 de la compagnie chinoise Wanshan Special Vehicle, un véhicule à grande capacité de franchissement pouvant transporter 80 tonnes alors qu'il n'en pèse que 42. 

La Corée du Nord en avait acheté à des fins civiles pour une exploitation industrielle dans des " conditions extrêmes " — ce qui paraît vraisemblable car les véhicules à roues à grande capacité de transport ne sont pas utilisés uniquement par les structures militaires, en Russie ou ailleurs. Selon les informations officielles publiées plus tard par Pékin, en mai 2 011 le commanditaire avait reçu deux véhicules, puis quatre autres en octobre. En Chine même, ce matériel était largement répandu en tant que châssis pour les missiles mobiles et les véhicules de logistique. Les missiles aperçus lors du défilé avaient une apparence inhabituelle, dotés manifestement de trois étages ( le diamètre du troisième étant inférieur par rapport aux deux premiers ) et avec des gabarits différents par rapport aux modèles déjà connus de missiles nord-coréens. Son diamètre maximal, selon la plupart des estimations, est de 1,8 m ( estimations entre 1,7 et 2,0 m ), et sa longueur d'environ 17-18 m. La faible précision des estimations est l'éternel problème de la lecture des photos. 

La Corée du Nord menace de réduire Séoul en cendres Ces missiles ont ensuite été présentés aux défilés de 2 013 ainsi que dans la chronique cinématographique nationale — qui contenait quelques indices a-t-on compris par la suite. Ces missiles montés sur leurs vecteurs ont été montrés dans un documentaire sorti en 2 013 sur l'activité de Kim Jong-il pour renforcer la capacité défensive du pays. Dès leur première apparition, les missiles ont été désignés dans la presse mondiale par le code KN-08. Les experts ont commencé à essayer de deviner s'ils étaient vrais ou s'il s'agissait d'une maquette pour les défilés dans le but de confondre l'ennemi. Si les missiles étaient vrais, il fallait déterminer quelles étaient leurs capacités potentielles et leur base technologique. S'il s'agissait de maquettes, les observateurs devaient définir si on avait apporté des modifications spéciales à leur aspect dans un objectif de désinformation. 

Les questions restaient plus nombreuses que les réponses, et chaque nouveau défilé en suscitait de nouvelles. Par exemple: le missile était manifestement à combustible liquide — mais comment le préserver lors du transport ? Pourquoi le missile n'était-il pas doté d'un container de transport et de lancement? Car après tout la probabilité de déformation mécanique lors du transport est élevée. Une nouvelle surprise attendait les observateurs le 10 octobre 2 015. Pendant le défilé, les mêmes véhicules éponymes du complexe Hwasong-13 ( nom indiqué sur les panneaux ) ont traversé la place avec d'autres missiles, plus courts et en forme de cône avec un émoussement sphérique. D'après les gabarits et les proportions, on pouvait déduire que le missile était probablement à deux étages mais on ne pouvait pas exclure un troisième étage. La presse mondiale l'a baptisé KN-14. 

En 2016, les médias nord-coréens officiels ont levé le voile sur les programmes balistiques du pays. Le premier scoop date du 9 mars, date à laquelle ont été publiées les images de la réunion de Kim Jong-un avec les spécialistes nationaux de l'armement nucléaire et de ses vecteurs. Hormis l'information principale — la maquette de l'ogive nucléaire — beaucoup d'éléments intéressants ont également pu être relevés, tels que les missiles KN-08 et KN-14 désassemblés, ainsi que des pièces de moteurs pour ces missiles. Le deuxième scoop a suivi le 15 mars avec l'annonce d'essais réussis de la protection thermique pour l'ogive du missile intercontinental en construction — l'un des principaux problèmes dans la conception d'un missile opérationnel d'une telle portée. En l'occurrence, la vérification concernait l'éjection du moteur. Le troisième scoop fut l'annonce, le 9 avril, du succès des essais d'usine du nouveau moteur pour le missile intercontinental. D'après les images diffusées, on pouvait déjà se faire une idée de la structure du moteur. 

Le Japon adoptera de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord On y voit deux calottes principales ( les chambres du propulseur ) et deux éjections plus étroites ( chambres du bloc de direction ). On peut donc supposer que de l'autre côté se trouvent deux autres tuyaux d'éjection des chambres de direction ( invisibles à travers les tuyaux principaux ). Cela rappelle la structure des 4D10 soviétiques, à cela près que si les moteurs du missile soviétique R-27 et du Hwasong-10 nord-coréen sont composés d'un propulseur à une chambre et d'un bloc de direction à deux chambres, le moteur de Hwasong-13 est leur version doublée. Sachant que les chambres sont identiques à celles du Hwasong-10. Toutes ces observations correspondent bien aux images du 9 mars. 

Compte tenu des essais réussis du missile à un étage Hwasong-10, approximativement du même niveau technologique que le R-27 soviétique ( matériaux de construction, combustible, moteurs ), tout cela laisse deviner le développement en Corée du Nord d'un missile intercontinental à plusieurs étages avec l'utilisation de ces mêmes technologies. Surtout quand on connaît les succès "à un étage" déjà atteints. Compte tenu de la construction de grands missiles à combustible solide, le KN-08 pourrait également être un engin à combustible solide. Les lancements réussis d'autres appareils à plusieurs étages — des fusées (Unha-3) et des missiles ( Paektusan-1 ) — pointent également dans cette direction. La structure intérieure des missiles KN-08/KN-14 est inconnue ( trop de versions ), mais on estime que dans ces gabarits en version à plusieurs étages et sur la base technologique de Hwasong-10 il est dès à présent à la portée de Pyongyang de créer un vrai missile intercontinental. Les estimations les plus modestes donnent une portée théorique maximale, avec une ogive nucléaire, de 5 500-6 500 km ( Anchorage ), et les plus audacieuses jusqu'à 12 000 km ( New York ). L'estimation la plus répandue se trouve entre 7 500 et 9 000 km ( Honolulu, San Francisco ). 

Bien sûr, le programme d'essai des armements de cette classe ne peut pas se limiter à un seul lancement. Il sera nécessaire de procéder à des lancements à différentes portées et de tester la préservation de l'ogive même lors d'un tir à une portée proche du maximum, ou de simuler les conditions d'un tel tir ( par exemple avec différentes trajectoires d'approche avec une altitude élevée ). Pyongyang se prépare clairement à faire le premier pas en ce sens. Cap vers l'espace Le développement du matériel balistique en Corée du Nord ne se limite pas aux objectifs militaires: Pyongyang a aussi un programme spatial très ambitieux — même si certains observateurs en doutent. 

La Corée du Nord n'a pas accès aux services étrangers pour transporter une charge utile dans l'espace et, dans le même temps, dépend cruellement des services spatiaux étrangers pour la liaison satellite, le suivi météo, la navigation satellite, etc. Sachant que l'ennemi potentiel dispose de renseignements satellite très complet alors que Pyongyang est " aveugle " sur ce plan. Comment peut-on aujourd'hui considérer un pays indépendant sans ses propres systèmes spatiaux cruciaux? En 2 012 et en 2 016, la Corée du Nord a réussi à lancer deux satellites en orbite. Cependant, le poids de ces vaisseaux ainsi que le type et l'altitude des orbites montrent que pour l'instant le matériel spatial nord-coréen ne peut envoyer que des satellites de 100-200 kg. Compte tenu de la base élémentaire disponible, il ne peut s'agir que de démonstrateurs simplistes de technologies. Un programme spatial appliqué sérieux nécessite la capacité de lancer en orbite basse des satellites de plusieurs quintaux et plus, ainsi que de transporter une charge jusqu'à l'orbite géostationnaire ( directement ou via une orbite de transition ). Dans les deux cas, cela nécessite des fusées bien plus puissantes que celles qui ont été déjà été utilisées par Pyongyang. 

Mais la Corée du Nord ne serait pas ce qu'elle est si, dès le premier lancement réussi, elle n'avait pas annoncé ses plans ambitieux pour conquérir l'espace " avec ses propres moyens ". En janvier 2 013, le quotidien Nodon Sinmun a annoncé que le pays avait l'intention de lancer deux satellites de sondage de la Terre à distance, trois satellites de liaison et un satellite en orbite circumlunaire. En mai 2 016 ont été dévoilés les plans de nouveaux satellites de sondage terrestre ainsi que d'un satellite de liaison en orbite géostationnaire. En août une autre annonce a été faite: l'objectif de planter le drapeau nord-coréen sur la Lune d'ici 10 ans. Il ne s'agit évidemment pas de reproduire la mission Apollo: le drapeau est supposé être livré par des vaisseaux inhabités. Les médias se sont amusés de ces annonces. 

En effet, tout cela pourrait être pris sur la plaisanterie si ce n'était que dès 2 014, il s'est avéré que le cosmodrome de Musuidan-ri ( qui a servi aux lancements en 2 012 et en 2 016 ) était modernisé pour lancer des engins plus imposants que la fusée Unha-3. Unha-3 est une fusée à trois étages de 30 mètres et de 92 tonnes, avec un diamètre maximal de 2,4 mètres au niveau du premier étage. Cependant, les images satellite du cosmodrome diffusées en 2 014 indiquaient que la tour de lancement avait considérablement gagné en hauteur. Depuis le lancement spatial de 2 012, l'installation a bien changé de taille. Ainsi, la tour est désormais capable d'accueillir des fusées de 40 à 42 mètres ( probablement jusqu'à 50 mètres ) et de 3 à 3,5 mètres de diamètre. Les succès dans la maîtrise de nouveaux types de combustible affichés avec les missiles ( Hwasong-10 ) ont également mis en évidence le potentiel d'accroissement énergétique des fusées. 

Traditionnellement, le programme spatial nord-coréen recevait les technologies du programme militaire. Mais il manque encore un élément primordial: un nouveau moteur pour le premier étage assez puissant pour faire décoller cette fusée lourde. Le moteur pour le missile intercontinental présenté au printemps ne paraissait pas être une solution optimale pour une poussée réellement puissante. Le 20 septembre, les médias nord-coréens ont annoncé avoir conçu un moteur d'une poussée «" surpuissante " de 80 tonnes. Le but de l'essai actuel est de confirmer définitivement les caractéristiques de la chambre de combustion, la précision des différents pistons et des systèmes de contrôle, la fiabilité de leur construction en déterminant le temps de fonctionnement à 200 secondes ». 

Le soir même a été diffusé un reportage évoquant les détails du projet. A titre de comparaison, la poussée de huit chambres ( quatre de propulsion, quatre de direction ) du moteur du premier étage de la fusée Unha-3 est d'environ 120-130 tonnes. La poussée estimée du premier étage du système de propulsion du missile intercontinental en développement Hwasong-13 ( bloc de propulsion à deux chambres et de direction à quatre chambres ) est de 46-50 tonnes. Même si le moteur affiche une puissance totale de 80 tonnes dans sa version à deux chambres et que nous avons affaire à une demi-version, le résultat est tout de même très correct. Ainsi, le premier étage avec quatre chambres aura une poussée de 160 tonnes seulement au niveau des chambres de propulsion. La version à six chambres — parfaitement réaliste — donnera au moins 240 tonnes. Il s'agit déjà d'un constructeur très puissant pour assembler différents lanceurs. 

Si 80 tonnes est une poussée seulement pour une chambre, la version à six chambres donnera 480 tonnes — tout « comme chez les grands ». Selon les estimations approximatives, cela permet de fabriquer des lanceurs comparables aux modèles chinois des années 1 980 ( quand les Chinois avaient conçu des moteurs avec une poussée de 70-80 tonnes par chambre ). Par conséquent, il y aura une possibilité de lancer en orbite basse des satellites lourds à des fins appliquées, ainsi que de lancer en orbite géostationnaire des appareils de plusieurs centaines de kilogrammes. De cette manière Pyongyang est en passe de se transformer en "grande" puissance balistique et spatiale physiquement capable d'atteindre ses ennemis sur l'autre continent et de déployer son propre groupe spatial. A ce rythme, la réalisation de ces projets est parfaitement réalisable dˋ ici 5 ans.

Source: russiatoday

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