Kay Bailey Hutchison, ambassadrice américaine auprès de l'Otan surnommée «mamie» au siège de l'Alliance, a averti que les USA détruiraient les missiles élaborés par la Russie qui enfreignent le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) aux yeux de Washington.
La Russie doit arrêter d'élaborer secrètement des missiles de croisière interdits, sinon les États-Unis chercheront à les détruire avant qu'ils ne soient fonctionnels, a déclaré mardi Kay Bailey Hutchison au siège de l'Otan.
La diplomate américaine a laissé entendre que les États-Unis étaient prêts à attaquer si la Russie poursuivait le développement de missiles à moyenne portée, écrit le quotidien Vzgliad. «Nous étudierons la possibilité de détruire ces missiles capables de frapper n'importe qui de nos alliés», a-t-elle déclaré.
Et d'ajouter que depuis quelques années, les États-Unis essayaient d'«envoyer à la Russie le message qu'elle enfreignait» le traité INF.
«L'Otan n'a pas conscience de son niveau de responsabilité et du danger de sa rhétorique agressive», a répondu la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova.
«On a l'impression que les personnes qui font de telles déclarations n'ont pas conscience du niveau de leur responsabilité et du risque que représente une telle rhétorique agressive. Qui a habilité cette dame à faire de telles déclarations? Le peuple américain? Les citoyens américains savent-ils que de prétendus diplomates payés par leurs impôts se comportent de manière agressive et destructive?», s'est-elle indignée.
Selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, la diplomatie américaine devra beaucoup travailler pour réparer les conséquences de ses erreurs. «Quant au fond de la question, nos experts militaires donneront une réponse détaillée», a déclaré Maria Zakharova.
«Dans les conditions actuelles, les représentants américains se conduisent d'une telle manière que les autres n'ont pas besoin d'être paranoïaques: ils savent déjà à qui ils ont affaire. Je ne pense pas qu'il soit problématique pour la Russie de proposer des solutions techniques adéquates, et les militaires américains le savent parfaitement. Apparemment, la conviction qu'une grande guerre est impossible devient un facteur de menace. D'un autre côté, cela montre à quel point l'Otan est aujourd'hui une plateforme peu sérieuse», déclare Timofeï Bordatchev, directeur du Centre d'études européennes et internationales complexes du Haut collège d'économie.
Alexeï Arbatov, collaborateur de l'Académie des sciences de Russie, suppose que la diplomate américaine faisait effectivement allusion à une frappe contre la Russie, mais seulement au cas où une grande guerre aurait déjà commencé.
«Hutchison a pris beaucoup de temps pour dire: nous essayons de persuader la Russie de ne pas enfreindre le traité, de retirer ses missiles, nous comptons sur nos alliés de l'Otan, nous ne voulons pas sortir du traité INF, et ainsi de suite. C'était toute une tirade. Puis un journaliste lui a demandé ce que signifiait «retirer les missiles»: persuader Moscou de les retirer du service ou de les éliminer par des moyens physiques, ou lancer une frappe? Elle a dit: les retirer du service, bien sûr, sinon nous mettrons au point des systèmes qui, en cas de guerre, seraient capables de détruire ces systèmes», explique Alexeï Arbatov.
Pour sa part, Alexeï Arbatov juge que la tirade de la représentante américaine à l'Otan «est un signal inquiétant en soi».
L'expert militaire et colonel à la retraite Viktor Litovkine pense que seuls les Américains sont responsables de la situation:
«Par ces déclarations, les USA tentent de dissimuler leurs propres violations du traité INF. Dans leur budget militaire de 2019, ils ont alloué de l'argent à la conception d'un missile de croisière d'une portée de 500 à 5.000 km. C'est l'hôpital qui se moque de la charité. Il faut vraiment être stupide pour dire que les Américains frapperont les missiles russes. De telles personnes doivent être démises de leurs fonctions. Pratiquement les mêmes déclarations sont faites par le secrétaire à l'Intérieur. Ces gens vivent sur une autre planète et n'imaginent pas ce qu'est la Russie. Il ne faut pas réagir à chaque aboiement.»
Andreï Korobkov, professeur de politologie à l'université du Texas, pense que Kay Bailey Hutchison a effectivement dit ce qu'elle pensait, mais que sa rhétorique est un bluff lié à l'approche des élections de novembre au Congrès.
«C'est une période très spécifique: tous les politiciens américains, aussi bien le Président que ses partisans et opposants, montrent par tous les moyens leur détermination et audace», dit-il.
«Tout cela devrait se calmer après les élections. Mais jusque-là, il faut s'attendre à un durcissement de la rhétorique. C'est loin d'être la dernière déclaration de ce genre. Hutchison, âgée de 75 ans, a été sénatrice du Texas. Elle appartient à l'aile conservatrice du parti républicain», précise Andreï Korobkov.
Ce dernier note qu'à l'exception de cette phrase concrète, qui a fait du bruit, la rhétorique de Kay Bailey Hutchison correspond dans l'ensemble aux positions de l'élite — qui a fermement l'intention de revoir le traité INF, voire d'y renoncer.
«Cette phrase donne une impression très étrange. Il a été dit que ce missile serait éliminé avant que son élaboration ne soit terminée et qu'il ne puisse décoller. Autrement dit, il n'est pas question de défense antimissile mais d'une frappe préventive, bien que cette expression n'ait pas été prononcée», déclare l'américaniste Dmitri Drobnitski.
L'expert note que le thème-même de la réunion, consacrée aux questions de routine, ne prévoyait pas de telles menaces criantes. Et dans l'ensemble, les déclarations relatives au traité INF ne relèvent pas de ses compétences.
«Soit c'est simplement un nouveau niveau de sabotage du Président en exercice, la volonté de provoquer contre lui une vague d'informations négatives, soit c'est, hélas, le reflet du triste fait qu'on parle aujourd'hui trop facilement de choses impensables jusque-là, par exemple d'une frappe contre une puissance nucléaire», déplore l'expert.
«Je suis plus que certain que c'est le point de vue officieux de Hutchison. Trump, Bolton et Pompeo sont ceux qui dirigent la politique étrangère des USA, ils n'auraient jamais rien dit de tel, même si Bolton n'est pas considéré comme un grand ami de notre pays», dit-il.
Cependant, selon lui, Moscou ne peut pas laisser des déclarations aussi graves sans réponse. «Il faut y réagir de manière la plus appropriée et le plus fermement possible. Il faut exiger des excuses. Il faut montrer que les déclarations de ce genre sont inadmissibles et demander d'être informés de la manière dont cette personne a été sanctionnée», conclut l'américaniste.
Source: sputniknews.com
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