Le «spectre de la guerre nucléaire» s’installe
Il commence à apparaître que la conscience de la possibilité d’une guerre totale, c’est-à-dire la possibilité d’une guerre nucléaire, existe dans la logique folle de la crise ukrainienne. Les causes de cette prise de conscience sont sans doute diverses mais tournent autour de la politique US – non-politique assimilable à la politique-Système fondée sur le développement incontrôlé d’une surpuissance agressive, marquée dans son plus récent spasme par l’exploration de la possibilité de livrer des armements avancés à Kiev. Paul McAdams, du Ron Paul Institute, propose cette explication à l’absence des USA dans les négociations du quartet de Normandie qui contient en soi la cause de cette prise de conscience du risque nucléaire, sous la forme d’un rapport dont le Système a le secret. (Rassembler des noms prestigieux à Washington – Ivo Daalder, Michele Flournoy, l’amiral Stavridis, Strobe Talbott, etc.; sous l’égide de trois prestigieux think tanks évidemment complètement indépendants – Brookings Institution, Chicago Council on Global Affairs, Atlantic Council; conclure qu’il faut livrer très, très vite des armes à l’Ukraine pour défendre glorieusement son indépendance; la note de ces fournitures est même détaillée, selon une répartition qui fait honneur au sens de l’équité entre eux des généreux donateurs du complexe militaro-industriel, lesquels ont, pour ajouter la générosité au symbole, financé ce rapport… La conclusion est qu’il faut $3 milliards de quincaillerie pour l’Ukraine.)
McAdams , ce 11 février 2015 : «C’est une nouvelle étude publiée la semaine dernière par un consortium de think tanks financés par l’industrie de la défense aux Etats-Unis, exhortant à une implication militaire états-unienne directe dans la crise ukrainienne, qui a poussé Hollande et Merkel à l’action. Alors que Washington est tombé en pâmoison collective à la lecture de la conclusion du rapport selon laquelle 3 milliards de dollars d’armes américaines devaient être envoyés au régime-client des États-Unis de Kiev, les Européens se sont tout à coup souvenus de leurs cent dernières années d’histoire et ils ont réalisé que ce n’est pas Washington ou Los Angeles que la guerre qui suivrait probablement l’implication directe des Etats-Unis laisserait en cendres, mais Bruxelles. Et Munich, Paris, etc … »
Ce même 11 février 2015, Johannes Stern, de WSWS.org, fait une analyse à partir d’un article du Spiegel publié dimanche soir, après la conférence dite Wehrkunde, à Munich. L’article évoque, sous le titre «Crise OTAN-Russie : le spectre de la guerre nucléaire est de retour», la possibilité d’une guerre nucléaire et démarre sur une anecdote rapportée de ladite conférence de la Wehrkunde. L’anecdote évoque un incident datant de 1995, où une alerte nucléaire eut lieu en Russie à la suite du tir d’une fusée de recherche américano-norvégienne empruntant une trajectoire qui serait celle d’un éventuel tir d’un missile stratégique nucléaire Trident, la fusée en question ayant les même caractéristiquesradar qu’un Trident. L’incident fut réglé rapidement – les choses vont vite, dans ce cas –, notamment grâce à la bonne entente régnant à cette époque entre la Russie soumise de Eltsine et les USA pétulants de Clinton… Et l’on termine sur cette interrogation : aujourd’hui, compte tenu du climat entre la Russie et les USA, cela se passerait-il de cette façon ?
«L’article commence avec la description d’un événement peu connu qui a eu lieu le 25 janvier 1995 et qui a presque failli déclencher une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie. A cette époque, des chercheurs norvégiens et américains avaient tiré une roquette à partir de l’île norvégienne d’Andøya, qui avait déclenché le niveau d’alerte le plus élevé chez les forces armées russes et avait incité le président russe Boris Eltsine à activer les clés d’accès aux armes nucléaires.
La fusée, que les scientifiques avaient lancée pour étudier les aurores boréales, avait pris la même trajectoire que les missiles nucléaires intercontinentaux états-uniens pour aller à Moscou. En outre, sur le radar de la Russie, la fusée de recherche à quatre étages ressemblait à un missile Trident tiré par un sous-marin américain. Puis tout est allé très vite. Les sirènes d’alarme ont retenti dans un centre de radar russe et les techniciens ont saisi leur téléphone pour annoncer une attaque de missiles américains. Eltsine a appelé des généraux et des conseillers militaires au téléphone, mais il a finalement donné le signal de fin d‘alerte parce qu’il n’y a pas eu de second missile. Spiegel Online note qu’Eltsine à l’époque avait sans doute laissé les missiles nucléaires russes dans leurs silos ‹parce que les relations entre la Russie et les États-Unis en 1995 étaient relativement confiantes›. Aujourd’hui, cependant, la situation est totalement différente. Le magazine cite de hauts responsables politiques, des experts militaires et universitaires, qui insistent sur la dangerosité de la situation actuelle.
‹Un laps de temps de cinq ou six minutes peut suffire à prendre une décision si la confiance règne et si des voies de communication existent et qu’on peut les activer rapidement›, a déclaré l’ancien ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, au cours de la Conférence sur la sécurité de Munich dont l’ordre du jour a été dominé par l’escalade des puissances impérialistes contre la Russie. ‹Malheureusement, ce mécanisme fonctionne très mal actuellement›, a ajouté Ivanov. Interrogé sur ce qui se passerait aujourd’hui si l’incident de 1995 se reproduisait, il a dit: ‹Je ne suis pas sûr que les bonnes décisions seraient toujours prises.› »
Il y a quelque chose d’irréel dans cette anecdote. Ivanov, ancien ministre russe de la Défense, est le co-auteur d’une étude, avec l’ancien ministre britannique Des Brown et l’ancien sénateur démocrate US Sam Nunn. Durant les années 1990, Nunn, spécialiste des questions militaires, fut très fortement impliqué dans les efforts accomplis pour rassembler et sécuriser l’arsenal nucléaire de l’ex-URSS qui avait suivi la situation chaotique de l’effondrement de 1989-1991 et risquait de disparaître dans des mains incertaines, selon une logique sauvage de prolifération nucléaire… Les trois anciens hommes politiques décrivent dans leur rapport la situation à nouveau chaotique, aujourd’hui, mais cette fois au niveau des réseaux et des institutions qui, durant la Guerre froide, permettaient des échanges de communication entre les deux blocs et limitaient ainsi les risques d’accident nucléaire. «La confiance entre l’OTAN et la Russie est quasiment complètement détruite, explique Nunn au Spiegel. Il y a une guerre au cœur de l’Europe, les traités internationaux sont en lambeaux ou impuissants à faire sentir leurs effets, il y a des systèmes nucléaires tactiques partout en Europe. La situation est extrêmement dangereuse.»
Source: mondialisation.ca
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