Pékin a mis en
garde ce mercredi contre les risques de conflit en mer de Chine méridionale et
menacé d'y créer une zone de défense aérienne, en pourfendant un jugement
international qui considère sans fondement ses revendications sur cette région
stratégique.
La décision rendue mardi par la Cour d'arbitrage permanente
(CPA) de la Haye est accablante pour Pékin. Elle fournit des munitions
diplomatiques considérables aux Philippines, à l'origine de la procédure
d'arbitrage, mais aussi à d'autres voisins qui s'opposent de longue date aux
prétentions territoriales chinoises.
La Chine a réagi avec fureur,
réaffirmant ses droits historiques sur la région et lançant des menaces à peine
voilées notamment contre Washington.
"Ne faites pas de la mer de Chine
méridionale le berceau de la guerre", a lancé le vice-ministre chinois des
Affaires étrangères Liu Zhenmin, qualifiant la sentence d'arbitrage de "papier
bon à jeter".
La Chine veut faire de la région "un océan, d'amitié et de
coopération" mais elle a le "droit" d'y instaurer une "zone d'identification de
la défense aérienne" (Adiz), a-t-il dit.
Que Pékin mette en place cette
zone, qui verrait les avions civils contraints de s'identifier auprès de
contrôleurs militaires, "dépend du niveau de menace que nous
subissons".
La Chine avait proclamé une Adiz en 2013 sur une grande
partie de la mer de Chine orientale, entre la Corée du Sud et Taïwan, suscitant
l'ire de la communauté internationale.
Aux Etats-Unis, l'ambassadeur de
Chine Ciu Tiankai n'y a pas été par quatre chemins pour prédire les conséquences
du jugement. "Cela va certainement intensifier les conflits et même la
confrontation". Retenue
La Chine argue
qu'elle est la première à avoir découvert, donné un nom et exploité la mer de
Chine méridionale. Elle revendique la quasi totalité de cette mer, soit 2,6
millions de kilomètres carrés -- sur un total de plus de trois millions-- , et
se fonde pour cela sur une délimitation en "neuf pointillés" apparue sur des
cartes chinoises des années 1940.
Ses prétentions sont
contradictoires avec celles de Taïwan, du Vietnam, des Philippines, de Malaisie
et Brunei.
L'ancien gouvernement philippin de Benigno Aquino avait saisi
la CPA en 2013, un an après que la Chine eut pris le contrôle de Scarborough,
récif poissonneux situé dans la zone économique exclusive des Philippines (ZEE),
à 650 km du territoire chinois le plus proche, l'île de Hainan.
Ces
dernières années, la Chine a construit des îles artificielles géantes capables
d'abriter des infrastructures militaires et des pistes d'atterrissage sur les
Spratley, l'un des principaux archipels.
Si la CPA a estimé que la Chine
ne pouvait revendiquer des droits historiques sur cette mer, elle a aussi
déclaré illégale la création d'îles artificielles, de même que le fait
d'empêcher les Philippins de pêcher sur Scarbourough.
Loin de toute
manifestation de joie intempestive, le gouvernement du nouveau président
philippin Rodrigo Duterte s'est borné à "saluer" le jugement, appelant à la
retenue.
Duterte a maintes fois répété qu'il voulait améliorer les
relations bilatérales. Il cherche à obtenir des investissements chinois pour
des grands projets d'infrastructures.
Tensions La semaine dernière, le chef de la
diplomatie philippine Perfecto Yasay avait dit à l'AFP que Manille se servirait
de la sentence comme base pour des pourparlers directs avec Pékin, dans le but
de parvenir à un code de bonne conduite maritime.
Mais la pression
monte sur Pékin du côté des puissances occidentales, au nom du droit à la
liberté de navigation dans cette zone qui représente plus de 4.500 milliards
d'euros annuels de fret.
Washington a souligné que la Chine, en tant que signataire de la Convention
des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), se devait d'accepter une
décision "définitive et contraignante légalement pour la Chine comme pour les
Philippines".
Les parties doivent "s'abstenir de toute déclaration ou action
provocatrice". Pour Canberra, Pékin joue sa réputation alors qu'elle
"cherche à jouer le rôle de leader mondial et régional et a besoin de relations
amicales avec ses voisins". Les tensions militaires montent déjà d'un
cran.
La Chine a lancé des exercices navals dans le nord de la région tandis que
le commandement américain dans le Pacifique a annoncé le déploiement d'un
porte-avions pour renforcer la "sécurité".
Taïwan, autre perdant puisque
ses revendications sont très similaires à celles de Pékin, a envoyé un bâtiment
de guerre pour "protéger" ses "droits".
"Les eaux de mer de Chine
méridionale sont sur le point de devenir bien plus turbulentes", a commenté Ian
Storey, spécialiste de la sécurité régionale basé à
Singapour.
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