Zika: culpabilité confirmée dans les dommages neurologiques
Des chercheurs français démontrent pour la
première fois que l'infection peut entraîner un syndrome de
Guillain-Barré.
Un siècle après sa description par trois médecins français, le
syndrome de Guillain-Barré semble s'être trouvé un levain de plus
avec le virus Zika. Le
lien était déjà suspecté, entre cette rare maladie
neurologique auto-immune et l'infection virale longtemps considérée
comme bénigne: une hausse du nombre de cas de Guillain-Barré avait
été constatée en 2013-2014 en Polynésie française, lors de la
première épidémie de grande ampleur de Zika, avec 42 syndromes de
Guillain-Barré en 16 semaines contre 3 à 10 par an habituellement.
«Le nombre de cas a été multiplié par 17 pendant cette épidémie
de Zika», précise le Pr Arnaud Fontanet, responsable de l'unité
d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur à
Paris.
Mais il n'y avait là qu'une corrélation. Restait à démontrer
que l'infection virale était bien à l'origine d'un risque accru de
développer un syndrome de Guillain-Barré. Des chercheurs français
réunis sous la houlette d'Arnaud Fontanet y sont parvenus pour la
première fois, et
publient leurs résultats dans la revue The
Lancet. Cliniciens, épidémiologistes, virologues et
immunologistes ont exploré les données recueillies auprès de
l'ensemble des 42 personnes diagnostiquées avec un syndrome de
Guillain-Barré en Polynésie française durant l'épidémie de Zika.
Ils ont comparé ces données à celles de deux groupes contrôles:
l'un composé de 98 patients admis à l'hôpital sans fièvre,
l'autre de 70 patients testés positifs au virus mais n'ayant pas
développé de symptômes neurologiques. «88% des patients atteints
de Guillain-Barré avaient, dans les 6 jours précédent le début
des symptômes neurologiques, eu des symptômes typiques de Zika,
note Arnaud Fontanet. Par ailleurs, des tests sanguins montrent avec
certitude que 100% d'entre eux avaient été infectés par le virus
et que cette infection était récente.»
Les chercheurs démontrent aussi que, contrairement à une
hypothèse régulièrement avancée, le surrisque de développer un
syndrome de Guillain-Barré
ne semble pas lié à une infection par la dengue antérieure ou
simultanée à l'infection par Zika. En effet, la proportion de
patients présentant des anticorps contre la dengue, preuve qu'ils
ont été en contact avec cette autre fièvre virale, est
sensiblement la même chez tous les patients atteints de Zika, qu'ils
aient ou non développé un Guillain-Barré (95%, contre 89%).
Mécanisme non élucidé
La forme clinique de syndrome de Guillain-Barré provoqué par
Zika est précisée dans l'étude (avec en particulier une
aggravation et une récupération plus rapides) mais le mécanisme
biologique en cause n'a pas pu être élucidé. «Nous avons pourtant
exploré tout le répertoire des cibles possibles», raconte le Pr
Fontanet, notamment celle du mimétisme moléculaire (une protéine
du virus ressemble à un constituant des nerfs, lesquels sont donc
attaqués «par erreur» par le système immunitaire du malade). Les
chercheurs ont, enfin, quantifié le risque avec une incidence de
24 syndromes de Guillain-Barré pour 100.000 infections à Zika
(formes asymptomatiques incluses), contre habituellement 1 à
2 cas pour 100.000 habitants par an. Des chiffres
impressionnants si on les rapporte à la population vivant dans les
zones concernées par l'actuelle épidémie de Zika, pour laquelle
l'Organisation mondiale de la santé disait s'attendre, fin janvier,
à
«3 à
4 millions de cas» sur le continent américain.
Le risque de syndrome de Guillain-Barré calculé en Polynésie
française n'est toutefois pas directement applicable à la situation
américaine, précise Arnaud Fontanet. «Il peut y avoir des
différences, notamment génétique ou environnementale. Mais les
pays concernés doivent se préparer, comme cela a été fait en
Martinique et en Guadeloupe, à prendre en charge en réanimation un
nombre important de personnes atteintes du syndrome de
Guillain-Barré. En Polynésie, les patients sont restés 35 jours
en moyenne en réanimation. Les capacités hospitalières peuvent
donc vite être dépassées.»
En France, 9 000 cas de Zika et 8 atteintes ou suspicions
d'atteintes neurologiques
De décembre au 25 février, l'Institut
de
veille sanitaire (InVS) a recensé en Guadeloupe, Guyane,
Martinique et à Saint-Martin 9 077 cas de Zika. Parmi eux,
une atteinte neurologique (myélite) et 2 syndromes de
Guillain-Barré, plus 5 autres chez qui l'infection reste à
confirmer. La métropole compte81 cas importés (plus une
contamination sexuelle), dont un avec complication neurologique. «Il
ne s'agit pas d'un Guillain-Barré mais d'une atteinte de
l'encéphale, précise Harold Noël, épidémiologiste à l'InVS. Les
tests biologiques ont confirmé que ce patient a bien eu le Zika,
mais ses médecins doivent s'assurer que ses lésions cérébrales
sont attribuables à l'infection et qu'il n'existe pas d'autre
diagnostic possible.»
Source: wikistrike.com
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